Seigneurs et seigneurie du lieu

du XIIème siècle à la révolution

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Les premiers seigneurs de Nully

 Avec la plupart des vassaux des comtes du Perche, les seigneurs de Nully participèrent par des donations aux fondations religieuses du Perche au cours des XIè et XIIè siècle : abbayes de La Trappe, de Thiron, prieuré de St Denis de Nogent et léproserie de Chartrage à Mortagne. Ce sont les cartulaires et archives de ces établissements qui ont permis de découvrir ces seigneurs.

 

Le premier seigneur de Nully connu vivait à la fin du XIIè siècle et se prénommait Hugues :«Hugonis de Nuilleio», sans doute descendant d’une famille installée dans le Perche depuis des décennies ou des siècles.

En 1173, il fait don à l’abbaye de la Trappe (fondée en 1140) de la grange du Boulay (Soligny la Trappe), avec Guillaume de Poix et Hugues des Marais.

En 1194, Hugues de Nully fait don à la léproserie de Chartrage de Mortagne (fondée en 1090) d’un setier de seigle sur son moulin de Saint Hilaire et d’un setier de froment sur sa terre de Sainte Céronne.

En 1212, Barthélémi de Nully fait donation à l’abbaye de la Trappe de la dime de Tourouvre qu’il tenait de Nicolas de Nully, son parent, avec l’accord de Hamelin son fils et de Geoffroy son frère.

En 1248, Geoffroi de Nully approuve comme suzerain, la vente faite par les consorts Gastinelle, de droits sur la dime de Tourouvre. C’est la dernière information que nous possédons sur ces seigneurs de Nully. (1) (2)

 

En l’absence de documents sur cette famille seigneuriale au cours des siècles qui ont suivi, je n’ai pas retrouvé de descendance à Geoffroi, le dernier nommé en 1248. D’autre part, le patronyme de Nully était assez répandu à cette époque. Ce nom et ses dérivés (Nully, Nuilly, Neuilly) provenaient des paroisses portant le nom de Nully souvent devenues par la suite Neuilly (il existe 84 villes et villages portant le nom de Neuilly en France en plus de la ville de Nully en Haute Marne qui est à l’origine d’une importante famille de Nully).

 

A défaut de successeur connu, qu’en est-il donc advenu des terres de ces nobles seigneurs ?

  

Les seigneurs de St Sulpice

 Les seigneurs de Nully possédaient des droits et terres dans plusieurs paroisses de la région et, quoiqu’aucun document ne l’atteste, ils devaient très probablement régner sur un territoire équivalent aux limites de la paroisse de St Sulpice qui, à cette époque, portait leur nom.

Il était d’usage que les nobles prennent le nom des fiefs sur lesquels ils étaient établis ou de la paroisse sur laquelle ils possédaient haute justice.

 

Or, au XIIIè siècle, le nom de « St Sulpice » n’apparait pas dans les écrits mais l’église et la paroisse portent bien le nom des seigneurs de Nully : «ecclesiam de Nuileio» et «parochia de Nuileio ». (3) (1) Les seigneurs de Nully ne sont d’ailleurs jamais apparus comme étant seigneurs de St Sulpice. Cependant, F Pitard, en 1877, sans doute par déduction, donne à Hugues de Nully, le titre de seigneur de St Sulpice. (4)

 

Quatre siècles plus tard, en 1699, un prétendu fief de St Sulpice, comprenant notamment l’église, le cimetière et le presbytère de la paroisse est inclus dans une mise en adjudication sur saisie du domaine de Mauregard. Les habitants de St Sulpice s’opposent alors à ce que les terres de ce prétendu fief de St Sulpice soient comprises dans cette adjudication de la seigneurie de Mauregard, déclarant que la presque totalité des terres de la paroisse sont en franc alleu et qu’ils ne reconnaissent comme seigneur que le Roi. (5)

En 1704, un procès verbal de visite épiscopale nous confirme que le Roi est désigné comme étant le seigneur temporel du lieu, désormais dénommé St Sulpice ou St Sulpice de Nully.

 

Comment les biens de l’ancienne seigneurie de Nully étaient-ils arrivés en possession des habitants, dépendant directement du Roi et non d’un seigneur local ? Sans doute qu’à défaut de descendant au décès du dernier seigneur de Nully, ces terres étaient tombées en déshérence et s’étaient retrouvées attachées à la couronne de France.

 

En 1744, un autre procès verbal de visite épiscopale nous apprend que ce sont conjointement les seigneurs hauts justiciers de Mauregard et de Pigeon qui sont désormais désignés comme seigneurs temporels. Ce qui est confirmé lors de la vente de la seigneurie de Mauregard en 1764 qui comprend les droits de haute justice sur les paroisses de St Hilaire et St Sulpice acquis de sa majesté par les seigneurs de Mauregard et de Pigeon. D’ailleurs, à partir du milieu du XVIIIè siècle, le seigneur de Mauregard prend également le titre de seigneur de St Sulpice ; titre qu’il ne faisait pas valoir précédemment. (6)

 

Le lieu seigneurial

 En l’absence de vestiges apparents, longtemps nous nous sommes interrogés sur l’emplacement précis où ces seigneurs de Nully avaient construit leur château ou forteresse.

Au XIIIè siècle, les autres chevaliers de la région, nobles vassaux des comtes du Perche, portaient tous le nom de leur fief. Parmi eux figuraient notamment les sires de Mauregard, de Montcollin, de Ligni (St Hilaire), de Poix (Ste Céronne), du Val, du Fay (Champs), de Bresnart (Bazoches), du Buat (Lignerolles), de Chiray (St Ouen de S - Soligny), de Soligny, etc. ; noms qui subsistent encore aujourd’hui sur les carte IGN de la région sur lesquelles il n’est pas trop difficile de découvrir ces lieux.

Par contre, aucun lieu sur la commune de St Hilaire ne porte le nom de Nully. On aurait presque douté de l’installation de ces seigneurs près du village de St Sulpice s’il n’y avait eu l’association de leur nom avec celui de la paroisse pour former St Sulpice de Nully.

 

Il fallut attendre 1984 pour que le site soit découvert par Pascal Vipard, archéologue caennais qui survolait la région et qui fut le premier à observer une curieuse tache dans les champs au dessus du village, sur le sommet de la colline à proximité de la route allant de Mortagne à Moulins. Curieusement, à la matrice cadastrale ancienne, ces parcelles étaient dénommées « la rue », n’ayant donc aucun rapport avec de Nully ni un quelconque emplacement de château !

Nous avons été informés de cette découverte en 1990, grâce à un article de Michel Ganivet publié dans les cahiers percherons. (7) Il fallait l’œil expert d’un archéologue associé à des conditions optimales de saison et d’éclairage pour découvrir qu’il s’agissait là de l’emplacement d’une ancienne motte castrale arasée sans doute depuis des siècles.

 

 

Vu sa position au dessus du village, ce ne pouvait-être que l’emplacement de la forteresse des seigneurs de Nully. Il suffit d’ailleurs de se rendre sur place pour comprendre l’intérêt de ce lieu stratégique, proche de Mortagne, qui formait avec les positions des chevaliers voisins, une ligne de surveillance et de défense contre les éventuels envahisseurs venant du nord. Dans la video ci-dessous, réalisée depuis l’emplacement de cette motte castrale, vous pourrez découvrir l’intérêt névralgique du lieu sur lequel les seigneurs de Nully avaient établi leur forteresse.

 

 Video : vue panoramique depuis l'emplacement de la motte castrale)

 

 Sources :

(1) Cartulaire de l’abbaye de Notre-Dame de la Trappe –publié par SHAO en 1889

(2) Recueil des Antiquitez du Perche – Bart des Boulais

(3) Cartulaire de l’abbaye de Sainte-Trinité de Tiron ;

(4) Fragments historiques sur le Perche – J.F. Pitard - 1877

(5) A.D. Orne – fonds J Besnard

(6) A.D. Orne – séries G et 1E

(7) Cahiers percherons – 1990-1


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